Je tombe par hasard sur radio classique que je confonds parfois avec France musique. Jusqu’aux pubs et aux flashs infos. Et là ça donne, entre Vivaldi et Bernstein (voix en sucre, la même pour les pubs et les infos) : « En croisière Costa… blabla… bonheur…. Soleil….. Une bombe est tombée sur une centrale nucléaire…. Patrimoine en nue-propriété, viager, soleil, bonheur…. » et là me vient une image de science-fiction : des ruines, des gens sur les routes, et le long des routes des panneaux publicitaires immenses qui cachent l’autre côté. Sur les affiches, des bateaux monstrueux et des gens aux dents blanches dans une piscine bleu FB. Mais les affiches se déchirent. Les gens dans leur piscine de papier lèvent le nez, soleil de plomb au-dessus de leur tête, ils transpirent. Autour du bateau, océan de plastique. L’affiche se déchire. Beaucoup s’accrochent à des lambeaux. Certains comprennent, ils sautent pour rejoindre les migrants qui ne sont ni blancs ni noirs, qui sont gris, qui sont verts de peur. Mais qui marchent. Et s’ils marchent, ça veut dire qu’ils veulent vivre et peut-être changer de rêve. Peut-être que certains, au fond de leur poche, retrouvent des graines ou une poignée de terre. La terre qu’ils ont dû quitter. La même que celle donnée par un mendiant à Sarsembai. Vous savez ?
Sarsembai c’était ce garçon qui n’avait rien, ni terre ni biens. Le voilà sur les routes avec juste la peau de sa brebis bouffée par un loup. Il la vend pour trois sous. Le premier sou il le donne à un mendiant qui, en remerciement, lui file une poignée de terre. Il est poli, il respecte les fous et les mendiants, alors il empoche cette poignée de terre. Avec le deuxième sou, il mange. Avec le troisième il achète le rêve d’un gars qui méprise ses propres rêves (c’est un commerçant, un marchand de rêves mais en toc, genre croisière Costa). Il reprend la route avec juste ça : un rêve qu’il a dû acheter tellement il a pas les moyens de rêver, et une poignée de terre. Et à la fin de l’histoire, son rêve se réalise parce qu’il n’a jamais cessé d’y croire. Et il se souvient de cette poignée de terre, acceptée par politesse, restée au fond de son vieux manteau. Il prend cette terre, il la lance en l’air et des troupeaux, des champs de blé en naissent. Et quand les gens autour de lui demandent : « A qui sont ces troupeaux, à qui ces champs ? » Il répond : « À vous, à moi ces richesses infinies. »
Il est temps de ne plus se tromper sur le sens de ce mot : richesse. Et sur cet autre, qui est tout ce qu’on a: Terre.
Texte: Myriam Rubis.
Photo: Nolwenn Le Tallec