Cette phrase, nous l’avons bricolée à quatre mains en 2005 avec l’écrivain gardois Jean Carrière, Prix Goncourt 1972 pour L’épervier de Maheux, lors d’une de mes nombreuses visites à son domicile de Domessargues. Depuis, Jean est parti rejoindre les circonvolutions de son oiseau de proie me laissant seul avec ces quelques mots qui prennent, avec les temps qui vont, une signification bien particulière.
Il paraît que, dans ce pays, l’on veut désormais licencier des soignants car ils ne sont pas vaccinés. Il paraît que l’on veut cloitrer et contrôler militairement ceux qui ont contracté un virus. Il paraît que l’on veut infliger une amende de 45 000 euros et de la prison ferme à ceux qui n’auront pas contrôlé les clients aux portes de leurs établissements. Il paraît qu’un ministre de la Justice vient d’être mis en examen pour prise illégale d’intérêt et que, selon ceux qui nous dirigent, il a toute la confiance du gouvernement. Il parait que, pendant ce temps, des amuseurs sont invités à l’Elysée, font des loopings avec la Patrouille de France et échangent des gages avec un président. Il paraît aussi et peut être surtout que l’on ne plus dire ou écrire ce que l’on veut « Il y a une utilisation politique » du mot dictature « par certains », mais « c’est un devoir civique, quelles que soient les opinions politiques qu’on a, qu’on soit responsable politique, journaliste, intellectuel ou autres, (…) de ne jamais tomber dans l’utilisation de ces mots » déclarait à ce titre ce même président alors qu’il regardait passer des vélos du coté de Pau.
Bien évidemment, je n’utiliserai pas (encore) ce « mot ». Non pas car le premier d’entre nous me le défend, mais car le terme de « suivisme » me paraît plus approprié. Un suivisme largement relayé par les sondages et les médias subventionnés. Rendez- vous compte : 1000 personnes questionnées par Internet suffisent pour fournir une tendance selon laquelle 69 % des Français sont favorables au « laisser-passer ». 31 % parmi les 67,063 millions de citoyens non interrogés deviennent donc, de facto, des réfractaires, des impurs, des irresponsables, des criminels, des coupables.
Car la partition suscitée par les récentes annonces présidentielles ne va pas sans évoquer quelques vieilles blessures où chacun réglait ses comptes à l’emporte-pièce, profitant de cet effet de balancier qui faisait et défaisait les consciences. Des vieilles blessures qui ressurgissent alimentées par la haine, par la violence, par ceux qui vont jusqu’à souhaiter l’isolement, la punition sur certains plateaux de télévision ou à la radio, la mort parfois sur les réseaux sociaux pour les « parias » qui refusent l’injection.
Où sont passés celles ceux qui applaudissaient l’an dernier, le soir venu à leurs fenêtres, ces soignants que l’on obligeait, même malades, à travailler ? Où sont-ils passés si ce n’est, pour certains, dans les rangs de ceux qui veulent aujourd’hui les licencier… ? Ils sont là, à nouveau planqués derrière leurs petits volets à traquer du regard, à dénoncer, à stigmatiser, à jeter l’opprobre sur ceux qui ne sont pas des « antivax » ou des complotistes comme quelques médias s’amusent à les qualifier, mais des gens qui osent tout simplement douter.
La partition est à ce point prégnante que certains amis pourtant très proches ne téléphonent plus, que les premiers cercles se décomposent, que parents et alliés changent de trottoir, que les repas dominicaux virent au cauchemar. Le film de nos vies, a perdu ses couleurs. Elles viennent de repasser au noir et blanc.
Triste époque que celle-ci où les opinions sont jetées au pilori, où la peur alimente la catharsis. Où l’orthodoxie politique s’impose jusque sur les bancs du Parlement. Où la pensée unique se dilue insidieusement, une fois de plus, « en compagnie de millions d’individus » dans les nuances d’une République qui privilégie le jugement au discernement.
Jean-Paul Pelras