Création 2024.
D’après le texte de Ronan Mancec, mis en scène par Nolwenn Le Tallec et Dorine Jadeau.
Ouvrez les yeux
C’est bien gentil, les réunions régulières qui commencent à se mettre en place
La réunion pour protester dans son coin
Mais la famille royale se moque de nos conditions de vie
La famille royale est coupée de la réalité du monde
Qu’est-ce qu’ils vont faire, une fois que la carte des routes et des royaumes sera assemblée ?
Nous inviter à admirer le chef d’oeuvre derrière une cordelette rouge ?
Nous obliger à tenir un pèlerinage déférent ?
Former une longue file comme lorsqu’on nous demande de vénérer les rois et les reines embaumés ?
Que se passera-t-il au lendemain de l’exposition exceptionnelle ?
A quelles fins vont-ils utiliser la carte ?
N’avez vous pas encore compris qu’elle sera l’instrument de notre perte ?
Vous ne voyez rien ?
Réveillez-vous
Quand vous prenez part à la fabrication de la carte, vous êtes en train de fabriquer votre suaire
Ne croyez pas que parce qu’elle est belle, elle est inoffensive
Elle est toxique
Elle est empoisonnée
Quand elle sera terminée, ils l’utiliseront pour y placer leurs soldats de plomb
Leur cavalerie
Avant que ne déferlent sur nous les soudards
En chair et en os
Pour réclamer tout ce qui brille sur notre carte
Les porcelaines
La carrière d’ocre
Vos éléphants
Et nos enfants
Extrait de « La Carte des routes et des royaumes » de Ronan Mancec.
Ce texte résonne fortement avec notre appréhension du monde et nous donne envie de le défendre parce que …
La « carte des routes et des royaumes » questionne notre rapport au territoire à l’heure où l’on se bat pour des ressources et où nous assistons à des fractures sociales, culturelles, économiques, géographiques, climatiques. Le texte fait la part belle à ceux qui sont considérés à la marge d’un système, aux habitants de milieux dit « périphériques » qu’il faudrait à tout prix régenter.
La « carte » évoque les rapports de pouvoir et de domination, qui sont aujourd’hui toujours d’actualité. Parce qu’il y aura toujours des oppresseurs et des opprimés, des marginaux ou des bons soldats, des émancipés ou des soumis, des vivants ou des endormis… et surtout parce qu’au delà de la caricature, il existe des communs qui lient les individus, des points de bascule dans les parcours de vie, des failles et des contretemps.
Cette pièce évoque aussi le collectif, à travers des scènes chorales qui se déploient crescendo jusqu’au final explosif. Nous souhaitons y mettre du chœur, du mouvement et de la poésie. Une expérience sensorielle qui interpelle et permette aux spectateurs d’être renversés par la puissance du groupe et de l’action en train de se déployer au milieu d’eux.
Enfin, le texte prend racine dans une campagne éloignée qui nous donne envie de défendre la ruralité. Car cela dit quelque chose de la puissance du monde rural pour s’inscrire dans le vivant et les cycles, pour prendre de la distance par rapport aux métropoles et aux diktats du système.