Le conte est étrange.
Complexe sous son apparence de simplicité, riche dans son habit modeste, jeune malgré les millénaires qu’il a traversés, sa permanence et sa longévité me fascinent et me rassurent.
S’il lui est arrivé parfois de donner l’impression de s’endormir, ou de chercher sa nouvelle place lors d’un bouleversement important de la société, il n’a jamais disparu. S’il s’est absenté quelques décennies de telle ou telle place publique, il n’est pas mort pour autant. Un siècle n’est qu’un battement de cils pour un vénérable comme lui.
Ancien et encore dans la force de l’âge.
Dans un congrès d’anthropologues à Alger, il y a quelques années, un intervenant a parlé d’une découverte et d’une hypothèse.
Dans plusieurs cavernes préhistoriques qui abritaient nos lointains ancêtres, les archéologues ont découvert deux foyers distincts : Un pour la cuisine et les repas, et un autre « social » qui ne comportait aucune trace de nourriture. C’est peut-être autour de ce dernier que le groupe se réunissait le ventre plein et c’est là que le conte serait né une fois réunis les conditions nécessaires : Un homme ou une femme qui a quelque chose d’important ou d’urgent à raconter, et des personnes qui ont le loisir ou le besoin d’écouter.
L’être humain a toujours été curieux et inquiet devant tout ce qu’il ne comprenait pas. Dès ses débuts, le conte racontait probablement le ciel et les étoiles, l’univers et la nature, la mort et la vie, la foudre et le feu … Il donnait du sens à l’inexpliqué.
Il racontait aussi la chasse, sa stratégie et ses secrets, la forêt et son ambivalence : lieu de vie, de chasse et de cueillette mais aussi lieu de danger et de mort face aux bêtes sauvages. Il racontait les plantes et leurs secrets. Il racontait les rêves de la veille. Il racontait la vie fragile des humains.
Dans le film de Jean Rouch, « La chasse du lion à l’arc » on voit une scène où l’un des chasseurs, de retour chez lui, raconte aux siens les épisodes de la chasse.
Le regard fasciné et attentif de l’auditoire rassemblé en cercle le pousse à occuper tout l’espace de la « scène » et à mimer certaines parties de l’aventure.
Le chasseur devenu conteur raconte aux autres ce qu’il a vécu en leur absence.
Il est tentant d’imaginer que le conte a commencé ainsi ses premiers pas. Au départ, simple relation d’un événement ou d’une expérience, puis, pour qu’il soit mieux écouté soir après soir, le conte s’est fait beau, symbolique, plaisant, sensible et poétique.
Depuis le début de l’humanité, le conte a été un art de la belle parole qui a permis la transmission des valeurs et des savoirs.
Tout au long de sa marche, l’humanité a accumulé des connaissances et des expériences qu’il fallait transmettre. Il en allait du bien-être et de la survie.
Le conte, dans son évolution, a su inventer un langage symbolique et des structures logiques, faciles à suivre et à retenir. Ces structures, ajoutées au côté plaisant du conte, ont fait de lui un outil idéal pour transmettre l’histoire du groupe, ses expériences, ses découvertes, ses connaissances, ses valeurs, mais aussi ses questionnements, ses doutes, son regard hésitant sur la vie et sur tout ce qui la constitue.
Quelle enfance ?
Comme beaucoup de conteuses et de conteurs, j’ai entendu souvent des spectateurs me dire : « Ce conte m’a ramené à mon enfance ».
A première vue, cela voulait dire que la personne s’était rappelé une histoire de son enfance ou une situation où enfant on lui contait des histoires.
Mais, cette explication m’a toujours semblé incomplète.
L’existence du second foyer et le film de Jean Rouch m’ont fourni la suite : plutôt qu’à la nôtre, le conte nous ramène à l’enfance de l’humanité, lorsque l’humain faisait partie de ce qui l’entourait, nature, cosmos, animaux, esprits, et lorsqu’il communiquait naturellement avec cet entourage. Il réveille en nous des sensations anciennes marquées dans notre ADN, des joies et des peurs du temps de l’existence dans les forêts et les cavernes. Le conte nous rappelle ce lien avec nos lointains ancêtres.
Par cet aspect, le conte est un des rares lieux aujourd’hui où l’humain peut dialoguer normalement avec son entourage végétal, animal et spirituel sans qu’on le traite de fou.
Le conte nous ramène aussi à la paix et la sécurité, à une utopie où un avenir meilleur est possible. Je crois que ce sont ces sensations-là qui nous font penser à notre enfance lorsqu’on entend un conte.
La grande longévité du conte.
Si le conte est né au début de l’humanité, il n’a jamais cessé d’accompagner les hommes et les femmes dans leur évolution.
S’il a raconté la vie des humains lorsqu’ils étaient cueilleurs, nomades, paysans, il a raconté aussi la vie citadine comme dans Les Mille et Une Nuits, et il raconte encore la vie aujourd’hui.
Le conte a toujours été l’enfant de son siècle. Il s’est toujours adapté à l’évolution de la société. Il a côtoyé aussi, dès son premier âge, différentes formes artistiques et littéraires. Des anthropologues voient dans les peintures rupestres de certaines grottes ou certains rochers du désert, non pas de simples scènes de chasse, mais une histoire illustrée, un aide mémoire ou la trace d’un mythe.
Le conte se conjugue aujourd’hui à l’infini avec tous les arts.
Beaucoup de conteurs ont travaillé des spectacles avec des chanteurs d’opéra, des orchestres symphoniques, des musiciens de jazz…
La liste est longue.
Chaque fois que l’on a annoncé sa mort à l’occasion d’une nouvelle évolution de la société, le conte est ressorti vivant dans ses habits neufs. Il a toujours su emprunter les nouvelles techniques et rester jeune et beau.
Ainsi, il a trouvé sa place dans les textes les plus anciens, gravés dans l’argile chez les sumériens, ou écrit sur du papyrus chez les égyptiens. Puis, après plus de trois millénaires, il a profité de l’invention de l’imprimerie et maintenant du foisonnement des supports de communication.
Sa modernité.
Ancien, le conte a toujours été aussi d’une grande modernité. Sa nature-même lui impose cette jeunesse éternelle et cette fraîcheur. Je ne parle pas des contes écrits dans les livres qui ne sont que l’image d’un conte à un moment précis de sa vie. La même personne écrivant le même conte cinquante ans plus tard le présenterait différemment. Le conte dans un livre, c’est comme une photo quand nous étions enfants. C’est nous et ce n’est plus nous.
Je parle donc uniquement de la modernité du conte oral.
Cette modernité du conte il la doit aux éléments qui le constituent.
Premièrement le conte ne traite jamais de questions secondaires. Les questions qu’il pose sont celles qui intéressent l’être humain au plus haut point : La vie, la mort, la naissance, l’amour, la séparation, le partage, l’équité etc.
Deuxièmement, la modernité du conte vient de sa nature orale. La transmission orale met dans l’obligation de s’approprier le conte, de l’adapter, de le nourrir pour pouvoir le transmettre à nouveau. C’est la loi de l’oralité. Il n’y a pas d’autres moyens.
Ainsi chaque conteur, chaque conteuse, nourrit le conte avec son regard sur la vie, son regard sur les relations homme-femme, adulte-enfant. On nourrit le conte avec notre culture, notre expérience et surtout avec notre temps et notre souffle. Le conte se nourrit de la vie de celui qui le transmet.
Je choisis un conte parce que j’en suis follement amoureux aujourd’hui, parce qu’il me dit quelque chose à l’instant que je vis et dans la société où je vis. Les contes qui ne nous disent plus rien meurent tous seuls. Ils n’ont pas besoin de nous.
La nourriture que chacun de nous apporte au conte donne naissance à une multitude de versions, qui ne dit pas seulement le nombre des gens qui l’ont conté mais reflète surtout la multitude de leurs regards.
La fragilité de l’oralité fait sa force. Un conte raconté pendant des siècles garde le souffle de toutes celles et tous ceux qui l’ont conté avant nous. Ceci lui donne une force incroyable que les conteuses et conteurs connaissent et sentent profondément.
La modernité du conte vient aussi du fait qu’il pose des questions plus qu’il ne donne des réponses. Les réponses peuvent se périmer, les questions rarement.
Le conte s’annonce ainsi comme un espace de réflexion, de choix et de liberté. S’il y a deux cents versions du Chaperon Rouge cela me donnera la liberté de trouver ou d’inventer la mienne.
Les conteurs l’ont toujours su. Le conte n’impose pas son message sauf exception. Il offre à celui qui écoute une expérience, un voyage, une aventure et lui laisse la liberté de prendre ce qu’il veut ou ce qu’il peut.
Le conte forme un citoyen libre qui réfléchit et choisit. Il offre des ailes et non pas une soupe fade à avaler ou une morale rigide.
La modernité du conte se manifeste aussi dans son adaptation aux lieux nouveaux que la société lui offre à chaque étape de son évolution.
Dans le monde arabe par exemple, le conte s’exerçait et s’exerce encore sur les marchés dans une forme de cercle (Halaqa) qui protège la voix.
Lorsque les mosquées sont arrivées comme lieux de prière, de rassemblement, d’échange et d’enseignement, le conteur y a trouvé sa place, assis au pied d’une colonne.
Sa parole libre et difficilement contrôlable ayant fini par le chasser un jour, il a trouvé le café comme nouvel espace.
Aujourd’hui partout dans le monde, le conte s’adapte aux nouveaux lieux avec une facilité étonnante. De la prison à l’hôpital, en passant par la bibliothèque, la rue, le théâtre, la scène nationale ou régionale.
Le conte s’adapte toujours.
Art de l’économie.
Si le conte a cette grande possibilité de passer de la prison à la scène de théâtre, c’est surtout parce qu’il est un art de l’économie. Économie de décor et de mots, économie de costumes et de lumières, économie de moyens techniques en général.
Économie ne veut pas dire pauvreté.
La parole concise du conte est d’une grande richesse et d’une grande force. Lorsque je prépare un conte, je vis avec lui des semaines, des mois et parfois des années. Je le nourris et il me nourrit, il me touche et me bouleverse. Je lui donne mes images, mon souffle, mon regard. J’élague le superflu pour qu’il puisse briller de toute sa beauté. Je lui donne le meilleur de moi-même.
C’est à cette seule condition que je peux conter sous un arbre aussi bien que sur la plus grande des scènes.
La parole du conte se suffit à elle même, elle est légère et profonde à la fois. C’est l’image classique de la noix, belle et agréable au toucher, mais surtout nourrissante et porteuse de vie si on ose aller voir à l’intérieur.
Le conte accepte aussi les moyens techniques que la modernité lui offre. Mais, ces moyens techniques, il les veut à son service, il les aime pour qu’ils le mettent en valeur et non le contraire.
Le conte est un maître exigeant.
Le conte embellit celui qui le conte et celui qui l’écoute.
Je sais que ceci est commun à tous les arts, mais je parle ici du conte.
J’ai toujours été fasciné par la lumière qui émane des personnes qui racontent. Ma mère et les femmes qui contaient dans mon village n’avaient pas de costumes pour « la scène », elles contaient habillées comme elles étaient, et pourtant, dès qu’elles s’installaient et commençaient leurs histoires elles devenaient plus belles et plus jeunes.
Lorsque j’ai commencé à conter à mon tour, j’ai découvert une belle lumière mystérieuse au fond des yeux de ceux qui écoutent, et j’ai vu certaines personnes se métamorphoser, s’embellir et rajeunir devant moi.
Faites l’expérience, regardez une personne qui conte et une personne qui écoute.
Surtout, le conte embellit l’âme et l’élève.
Les philosophes d’orient et d’ailleurs ont eu recours au conte et à sa poésie comme chemin d’éducation de l’âme. Les grands auteurs aussi.
Il aide à grandir et à être responsable.
Dans mon enfance au village, le conte, les proverbes, les devinettes et la poésie populaire étaient présents au quotidien. L’absence d’électricité et de la télévision aidait sûrement.
Avec le conte et la poésie, ma génération a appris la belle parole.
Sur des enregistrements de femmes et d’hommes très souvent illettrés, il est fascinant d’entendre le niveau de langue utilisé. Il est nettement plus précis, plus poétique et plus rythmé que la parole quotidienne.
Enfants, le conte nous nourrissait, nous abreuvait de connaissances, nous apprenait l’écoute, le respect de la parole de l’autre et faisait de nous un être social, membre du groupe à part entière.
Puis, en grandissant, venait le moment de vouloir conter à notre tour. Il nous fallait trouver le mot juste, organiser notre histoire pour qu’elle soit écoutée, la dire avec un minimum d’éloquence.
Cette expérience n’est pas propre à une période ni à une société précise, elle est valable partout.
Tous les conteurs et toutes les conteuses d’aujourd’hui peuvent en témoigner.
Au début des années 2000, j’ai vécu une expérience avec une classe de 6ème du quartier de la Belle de Mai, à Marseille. Une enseignante, dont la classe était formée essentiellement d’enfants arrivés récemment en France, m’a demandé d’animer un atelier. Les élèves maîtrisaient peu le français, avaient un vocabulaire limité, se réfugiaient souvent dans la violence, dans le bruit et dans le mouvement continuel durant les cours.
J’ai demandé à assister à un cours. C’était infernal. La professeure, patiente, aimant ses élèves, essayait de faire son cours au milieu des cris.
A la fin du cours, j’ai raconté un conte que certains ont quand même écouté au milieu du vacarme. J’ai proposé ensuite un contrat aux élèves : je reviendrai deux fois leur raconter des contes et échanger avec eux et nous continuerons uniquement s’ils sont d’accord.
Le résultat a été superbe. Nous nous sommes retrouvés une fois par semaine pendant trois mois. Le plaisir de l’écoute s’est installé petit à petit. Si l’un des élèves faisait le pitre, son voisin se chargeait de lui dire « chut ! ».
Ils ont écouté, questionné, échangé, et puis est venu le moment où ils ont eu envie de conter. Ils avaient attrapé facilement le déroulé de tel ou tel conte. Les structures et la logique des contes sont faciles à retenir. N’oublions pas que ces structures ont permis au conte, malgré sa fragilité, de traverser les millénaires.
Les élèves avaient envie de conter, mais la peur était là, le vocabulaire manquait aussi.
Je me suis revu enfant avec ma mère. J’ai proposé alors de conter avec chacun et chacune.
Nous avons travaillé sur des contes qu’ils ont choisis parmi ceux qu’ils avaient écoutés. On a joué à les dire. Très vite, les élèves ont senti que conter demande de l’écoute, demande la maîtrise du déroulement du conte, c’est-à-dire de sa structure, demande de trouver le mot juste et l’image juste. Conter demande de s’organiser, d’oser prendre la parole, de se tenir en face des autres, de défendre sa propre parole et d’accepter celle des autres.
Au deuxième trimestre, avec l’accord des autres professeurs, les élèves de cette classe allaient quotidiennement conter dans les autres classes.
L’ambiance avait changé, l’image que les enfants avaient d’eux-mêmes et que les autres avaient d’eux, aussi.
Je me suis rappelé alors que j’avais, comme eux, appris le français grâce au conte.
Dans son récit de voyage « Le mal du nord », le cinéaste et écrivain canadien Pierre Perrault parle « d’apprentissage qu’on ne trouve pas dans les livres » et « d’intuition impossible à codifier » Il ajoute « C’est le lieu même de la tradition orale. La théorie du pas-à-pas. Une connaissance d’avant le savoir ».
Cela m’amène à parler rapidement d’une autre expérience. Je conduis depuis plusieurs années un projet qui s’appelle « Pas à Pas ». J’accompagne chaque fois cinq conteurs-conteuses pendant 18 mois sur le chemin de la création de leurs spectacles individuels. L’expérience est une belle leçon sur la modernité et la longévité du conte. Elle s’avère d’une grande richesse pour le formateur et les conteurs. En plus de cinq beaux spectacles, nous en sortons toutes et tous transformés.
Le conte est porteur d’espoir.
J’aimerais évoquer rapidement deux moments dans ma vie.
J’ai vécu des jours pendant la guerre au Liban où il semblait que le monde s’effondrait autour de nous. Je me rappelle encore la voix calme de ma mère qui racontait à ses petits enfants pour éloigner le bruit de la guerre, et de la sérénité et la paix qui régnaient autour d’elle. Ses contes redonnaient vie et espoir et sortait notre monde du chaos.
J’ai quitté le Liban en 1983 forcé par les événements. A l’époque, je n’imaginais pas pouvoir vivre ailleurs. Les jours passaient et je me rendais compte que je ne pourrai pas rentrer de si tôt.
J’’ai eu l’impression que la terre tremblait sous mes pieds. Je me suis lancé par instinct corps et âme dans le conte. J’ai conté comme un assoiffé. Le conte m’a donné de la dignité et de l’espoir. Le conte a rendu la terre stable sous mes pieds et je suis fasciné encore aujourd’hui quand j’y pense.
« Prenez au sérieux les mots insensés du conte » disent les sages d’Orient.
Art ou outil de transmission ?
Cette question se pose de temps en temps dans le milieu du conte.
Je crois sincèrement que c’est une mauvaise question
Pour transmettre, le conte est devenu un art très vite. Lorsque les premiers conteurs de l’humanité ont choisi leurs mots et leurs gestes pour éveiller l’attention de ceux qui les écoutaient, ils sont devenus artistes.
J’ai lu un article sur le conteur arabe au début de l’Islam. Sa place était à la mosquée au même titre que celle des exégètes du Coran. Chacun avait sa colonne et son public.
Mais le public du conteur étant devenu plus nombreux, il s’est trouvé dans l’obligation de se mettre debout et de s’adresser à un public qu’il connaissait moins bien que le premier noyau qui l’écoutait. Ce jour-là, il est devenu artiste.
Sa parole n’étant pas contrôlable et ne plaisant pas aux autorités religieuses, il finit par se faire chasser de l’enceinte de la mosquée. Mais c’est une autre histoire.
Il n’y a pas de contradiction dans le conte entre art et transmission, entre art et littérature, entre plaisir et initiation. Il est au carrefour de tout cela. C’est sa force et sa spécificité. Qu’il s’adresse à dix personnes ou à mille, le conte transmet un regard sur la vie, une connaissance, une expérience ou un bout d’initiation.
Shéhérazade initie le roi Shahryar en lui contant des contes plaisants d’apparence innocente.
Nombre de conteuses et de conteurs d’aujourd’hui vous diront comment leurs contes les ont nourris, transformés et combien ils ont changé leur regard sur la vie et la mort, sur le quotidien et sur la marche du monde. C’est mon cas aussi.
Spectacle ou répertoire ?
Là aussi je ne vois pas de contradiction.
Dans mon enfance, j’ai connu les deux formes. On allait chez untel pour entendre son répertoire, ou chez un autre parce que ce qu’il présentait était aussi du spectacle.
Cependant, celui qui était proche du spectacle avait le répertoire comme fondation, comme base, comme culture.
Cette connaissance du répertoire donne de la profondeur au spectacle.
Le problème à mon avis n’est pas dans le conte ni dans l’opposition, spectacle ou répertoire, art ou transmission, il est dans la confiance que nous conteuses et conteurs nous mettons en lui.
Le conte est un amoureux exigeant. Il nous demande de lui consacrer notre temps et notre vie, de le servir modestement et de lui faire confiance, il nous dévoilera alors ses secrets et nous rendra plus heureux et plus riches.
Le conte est un éveilleur, un porteur d’espoir. Il ne s’est jamais contenté de décrire le monde, il a toujours tenté d’ouvrir une fenêtre vers un futur meilleur. C’est un lieu de rêve et d’utopie qui nous aide à grandir. Le conte offre des chemins de réflexion sans jamais rien imposer. C’est un lieu de liberté, le contraire d’une pensée unique.
Il est évident que le conte ne remplace pas le théâtre ni le cinéma ni la danse ni le roman ni le spectacle d’humour, mais rien ne remplace le conte !
Tous et toutes, des plus grands écrivains aux plus grands cinéastes, connaissent l’importance et la force du conte. Il ne faudrait pas que nous, conteurs et conteuses, oublions cela.
Jihad Darwiche
Avignon le 27/9/22